Mélanie De Biasio / Lilies / par Juan Marquez Léon

Mélanie De Biasio / Lilies
2017
Genre : Jazz Blues Électro.

Il s’en est passé des choses depuis le Conservatoire Royal de Bruxelles dans les années 90 où cette chanteuse y étudie le chant. Entre autres, une inflammation pulmonaire lors d’une tournée en Russie la laissant sans voix durant toute une année, ce qui va modifier définitivement son expression vocale, surtout au niveau de la respiration, et donc des silences. Puis la sortie en 2007 d’un album très jazz, entre ombres et lumières ‘A Stomach Is Burning’. Magnifique version de ‘My Man’s Gone Now’, une Billie Holiday chantant chez ECM.

‘Les Hommes Endormis’, cette chanson d’une femme sur nous, les hommes. Quelle sensibilité ! C’est simplement beau. Le succès, la reconnaissance viendront en 2013 avec le second album. ‘No Deal’. Sobre et sensuel, une beauté sombre dans un clair-obscur. Son chant devient de plus en plus blues. Écoutez ‘With All My Love’, ce piano à la Bill Evans pour ses silences. Il est évident que dorénavant nous avons affaire à une artiste exceptionnelle. Et comme Mélanie se sent désormais libre de publier ce qu’elle veut, voilà qu’en 2016 elle nous offre ‘Blackened Cities’, un EP de 24′. Un vinyle avec une seule face et un seul titre! Un hommage à sa ville de naissance, Charleroi l’Industrielle. Un long poème expérimental où toujours les silences laissent filtrer la lumière. Superbe photo de pochette.

Fin 2017 sort donc ‘Lilies’. Les petites touches électro que l’on trouvait d’ici de là sur les précédentes publications sont ici assumées. Le blues tendance ‘work songs’ est de plus en plus présent. On pense au travail de Portishead ou de Mark Hollis de Talk Talk. La froideur de ‘Gold Junkies’, la troublante sérénité de notes en suspension de ‘Lilies’ côtoient les rythmes tribaux de ‘Let Me Love You’ ou les beats et autres samples d’ ‘Afro Blue’, chouette reprise de Mongo Santamaría. ‘Sitting In The Stairwell’ est un murmure sur un claquement de doigt, comme une lointaine work song de prisonniers du sud des Etats Unis.

Les titres sont traversés de silences encore, de souffles comme des vents d’hivers, le chant est susurrè. ‘Brother’ appelle au recueillement tandis que la pulsation de nos cœurs maltraités s’entend dans ‘And My Heart Goes On’. ‘Lilies’, froid et sensuel, est dans sa profondeur, un disque de solitude, mais aussi d’amour. Un disque extrême en quelque sorte.– (c)  Juan Marquez Léon

Juan Marquez Léon

Juan Marquez Léon est le chroniqueur de disques sur Zeitgeist. Et pas n’importe lequel !!! Après des décennies et des études à Séville, Grenade, Paris, Londres, New York, Tokyo et Berlin, Juan a posé son vélo à Saint-Nazaire pour bosser dans un « CAC 40 » et parcourt tous les jours 12km avec une vieille bécane à pédales, traversant Méan et Penhoët pour rejoindre son « headquarter » bien (ou peu) chauffé en Brière. Juan parle 32 langues couramment et la langue qu’il maîtrise le mieux est celle de la musique. Ici vous trouverez l’écriture de Juan, une personne passionnée et attachante. Bref, un gentil bonhomme qui a toujours son chapeau vissé sur la tête afin de lutter contre le vent et le crachin celtique de notre région.